En France, plus de 70% des projets de transformation digitale échouent partiellement ou totalement, selon une étude menée par le cabinet McKinsey. Les technologies évoluent rapidement mais les organisations peuvent être en difficulté pour les assimiler ; la culture d’entreprise ou culture organisationnelle pouvant être un frein invisible et très puissant.

La transformation digitale ne se résume pas à adopter de nouveaux outils. Elle implique une évolution profonde des pratiques, des mentalités et des modes de collaboration. Dans ce contexte, la culture d’entreprise joue un rôle clé : peut-elle accompagner le changement ou, au contraire, le bloquer ?

Explorons ensemble en quoi la culture d’entreprise peut être un frein ou un levier dans un processus de transformation digitale, et comment en faire un véritable atout.

1. Transformation digitale : au delà de la technologie

La transformation digitale est souvent perçue comme un enjeu technologique (CRM, ERP, cloud, GED, automatisation, IA…). Or, selon une étude du MEDEF, la transformation digitale repose à plus de 60% sur l’humain et l’organisation.

Un projet digital ne peut réussir sans l’adhésion des collaborateurs. Mettre en place un outil de gestion des connaissances (knowledge management), par exemple, n’aura aucun effet si les équipes ne changent pas leurs manière de travailler, de partager et de collaborer.

Exemple : L’entreprise SNFC a lancé un vaste plan de digitalisation de ses services internes (gestion de RH, maintenance, relation client) mais a dû  investir massivement dans l’accompagnement au changement pour dépasser les résistances internes.

2. La culture d'entreprise : définition et enjeux

On parle également de culture organisationnelle.

 » la culture organisationnelle est l’ensemble des valeurs partagées, manifestées et pratiquées par l’ensemble des membres de l’organisation (Pratt et Beaulieu, 1992). » (Evraert & Prat Dit Hauret, 2003)

La culture d’entreprise regroupe les valeurs, croyances, comportements et normes partagés au sein d’une organisation.

→ La culture d’entreprise renvoie au lien invisible qui relie les membres d’une même communauté. Il s’agit de la même vision du monde.
C’est un construit historique et social collectif. Elle se construit dans le temps.
Elle indique de manière implicite ou explicite ce qui est autorisé et ce qui est interdit. Elle édicte les normes culturelles.
Ces références sont partagées dans l’organisation. Elle est partagée.
C’est en quelque sorte la personnalité de l’entreprise, ce qui la rend unique et la distingue des autres. C’est l’expression de son ADN, son identité.

Culture d’entreprise et didentité

 » La culture est la manifestation du vécu de l’identité. » Schwebig, 1998. Avec son système de valeurs, la culture d’entreprise exprime une identité réelle et vécue et est porteuse de sens pour les forces actives de l’organisation.

« Il y a bien sûr une dialectique entre identité et culture. L’identité constitue le projet, le devenir mais est manifestée par une culture qui a elle-même son articulation au monde, qui se réinvente constamment dans un débat avec le monde, qui se réinvente constamment dans un débat avec le monde et donc fait retour sur l’identité et la transforme. » (Denoun, 1995)

La culture d’entreprise influence directement la capacité des équipes à accueillir le changement, expérimenter, collaborer ou innover.

Quand la culture devient un frein à la transformation digitale

Pourquoi certaines cultures freinent le changement numérique ?

Une culture trop hiérarchique ou orientée contrôle peut freiner l’innovation, tandis qu’une culture de type « adhocratie » (innovation, prise de risque, autonomie) favorise les initiatives digitales. Comprendre ces dynamiques permet de bâtir un plan de transformation plus réaliste.

En France, de nombreuses entreprises issues de l’industrie ou du secteur public ou parapublic présentent encore des modèles organisationnels très verticalisés, ce qui peut freiner l’agilité nécessaire à la transformation digitale.

Les principaux blocages culturels rencontrés sont :

  • La résistance au changement : peur de perdre ses repères ou son statut.
  • Le manque de transversalité : fonctionnement en silos.
  • La méfiance vis-à-vis du digital : crainte de l’automatisation ou de la surveillance.
  • Le sabotage : par stratégie ou vengeance.

Le blocage peut être un enjeu de pouvoir. Derrière un blocage il y a une signification qu’il faut capter. Cela peut être des craintes, voire un enjeu de pouvoir.

Les zones d’incertitudes ou la prise de pouvoir par un individu

Selon Michel Crozier, les zones d’incertitude sont des espaces où les règles, les rôles et les attentes ne sont pas clairement définis. Un salarié s’approprie un vide organisationnel et prend les pleins pouvoirs sur celui-ci.

Ce phénomène entraine des résistances au changement dans le sens où en intervenant pour la transformation digitale, le salarié peut perdre cet espace de pouvoir.

Les zones d’incertitude sont structurellement plus marquées dans les organisations :

  • bureaucratiques,
  • complexes,
  • cloisonnées,
  • en changement,
  • ou à forte technicité.

Cela rend l’analyse des jeux de pouvoir essentielle dans tout projet de transformation, car ces zones peuvent ralentir ou bloquer le changement.

Les signes d’une culture d’entreprise faible ou peu propice à la digitalisation :

  • Les cultures hiérarchiques avec un management pyramidal, autoritaire (souvent rigides, orientées contrôle)
  • La présence de conflits
  • Un turn-over important
  • Peu ou pas de communication interne
  • Culture d’entreprise artificielle (non partagée)
  • Culture d’entreprise forte mais figée
  • Un fonctionnement en silos peu propice au partage, souvent symptomatique d’un manque de cohésion

 

Exemple : Lors de la digitalisation de ses services client, une grande mutuelle française a vu plus de 25 % de ses collaborateurs exprimer un stress accru lié à l’usage de nouveaux outils (étude interne relayée par Les Échos). Un travail sur le sens et la formation a été nécessaire pour relancer le projet.

Quand la culture d'entreprise devient un levier puissant

Lorsque tous les faisceaux porteurs de l’identité convergent, on peut parler de culture d’entreprise forte qui, telle une fondation commune, constitue un rempart efficace en cas de difficulté rencontrée par l’entreprise. La culture d’entreprise est source de cohésion.

« la culture d’entreprise (…) apparait comme un facteur de succès pour les organisations quand elle est forte, c’est-à-dire prégnante sur les comportements et les modes de gestion. » (Thévenet, 1984)

Les entreprises, encore aujourd’hui, cherchent à constituer une culture d’entreprise forte, qu’elles jugent comme un gage de stabilité et de durée.

Les cultures collaboratives, ouvertes au dialogue, sont plus favorables à la transformation numérique.

  • Valorisation de l’expérimentation,
  • Encouragement à l’autonomie et à la prise de parole,
  • Apprentissage collectif et droit à l’erreur.

Les signes d’une culture d’entreprise forte ou favorable :

  • Transparence, communication interne bonne, partage de l’information, écoute
  • Management de proximité, empathie, tolérance
  • Peu ou pas de turn-over
  • Cohérence globale. Pas de différence entre la culture communiquée et la culture réelle
  • Sentiment d’appartenance

Exemple : Le Groupe Accor a su capitaliser sur une culture d’innovation et de collaboration pour digitaliser ses parcours client et former 100 % de ses collaborateurs aux outils numériques dès 2020.

Indicateur : Selon Bpifrance, les PME françaises ayant une culture d’entreprise axée sur l’innovation sont deux fois plus rapides dans leur digitalisation que les autres.

Comment aligner culture et transformation digitale ?

Nuancer l’approche fonctionnaliste
Dans l’idéal, il faut dépasser l’approche fonctionnaliste en puisant la culture d’entreprise dans son expression réelle et profonde de l’identité ou des identités.

On ne peut pas créer une culture d’entreprise. Trop souvent des organisations prennent appui sur des cultures d’entreprise artificielles.

L’approche fonctionnaliste suppose qu’il existe une seule culture dominante, partagée par tous au sein de l’organisation. Elle occulte les conflits, les sous-cultures, les dynamiques de pouvoir, bref, tout ce qui rend la vie organisationnelle complexe et plurielle.

« La culture de l’entreprise ne peut s’envisager comme un simple ensemble de valeurs fonctionnelles surtout quand les cultures traditionnelles de métiers sont mises à mal par les mutations techniques (Weisz, Anselme et Santini, 1985). La pensée contemporaine considère que la culture d’entreprise est constituée à partir des expériences, des savoirs et des modes de pensée socialement élaborés et partagés. Elle se compose majoritairement de microcultures qui se développent au sein des groupes d’employés. Ce sont des formes de relations sociales et des modes de comportements informels au caractère dynamique et aux caractéristiques bien spécifiques. Force est de constater que la culture ne se décrète pas. » (Massiera, 2007)

Considérer la complexité par une approche ethnologique

Les écarts de perceptions entre les dirigeants et les salariés, entre la projection, les aspirations et la réalité témoignent de visions du monde relatives et fluctuantes. Les discordances qui peuvent apparaitre forment une culture d’entreprise hétérogène avec un système de valeurs et de représentations diffu.

« On se tourne vers les approches interprétative et ethnologique, conduites par Max Alverson, Ervin Goffman, Robert Merton ou Georges Mead qui refutent toute instrumentalisation de la culture. Selon ces auteurs, un processus culturel fonctionne quand il est socialement significatif et qu’il possède un sens manifeste pour l’ensemble des acteurs (employés, clients, partenaires, dirigeants). Certains travaux contemporains se démarquent ostensiblement du modèle dominant. Ils concluent que le rejet du concept de culture d’entreprise s’explique par le fait qu’il n’intègre pas le jeu politique de ses acteurs et qu’il privilégie une logique qui se veut essentiellement fonctionnelle. » (Massiera, 2007)

Auditer la culture actuelle est une première étape essentielle. Cela permet d’identifier les écarts entre les pratiques réelles et les valeurs affichées.

L’audit peut révéler l’écart entre les valeurs communiquées (validées par la direction) et celles des équipes. Un réajustement peut être nécessaire (refonte du projet d’entreprise ou du projet associatif, ateliers, teambuilding).

Tendre vers un système de valeurs partagées
Les valeurs communiquées par l’entreprise, expressions de son identité, doivent tenir compte de la réalité vécue. Le système de représentations et les valeurs réellement partagées doivent être considérés dans la description de la culture d’entreprise.

Le rôle clé des leaders

Véritables pivots entre le centre décisionnel et les autres membres de l’organisation, les leaders doivent incarner la culture, approuver le changement et porter le changement. Cela implique d’adopter un leadership transformationnel, fondé sur la confiance, la transparence, la vision et la capacité à embarquer les équipes.

Les bonnes pratiques

  • Communication transparente : expliquer le “pourquoi” et impliquer les collaborateurs.
  • Ambassadeurs : prendre appui sur les ambassadeurs naturels.
  • Pilotes terrain : tester des innovations avec des équipes volontaires.
  • Acculturation digitale via des ateliers, formations, conférences inspirantes, teambuilding, design thinking.
  • Leadership transformationnel : les managers doivent incarner le changement.

Exemple : La MAIF a mis en place des « labs d’innovation internes » pour permettre aux équipes de prototyper des idées numériques, renforçant ainsi leur engagement et leur autonomie.

Un prestataire en transformation digitale peut accompagner ces étapes, en proposant une démarche sur-mesure mêlant conseil, outils, formation et accompagnement au changement.

Conclusion

La culture d’entreprise est à la fois un révélateur et un catalyseur de la transformation digitale. Lorsqu’elle est rigide, elle ralentit l’innovation. Mais lorsqu’elle est ouverte et agile, elle devient un formidable levier.

La clé réside dans l’alignement entre la vision digitale et les valeurs profondes de l’organisation. Pour réussir ce virage, il faut s’assurer au préalable de la pertinence du changement. On choisit un nouvel outil en lien avec un besoin réel ou latent. L’outil ne doit pas être une fin en soi. Il ne suffit pas de changer les outils : il faut accompagner les humains. Chez S-SENS-STRATEGE on préfère parler de « transition » pour signifier que l’humain est un facteur clé pour la réussite de projets digitaux.

Une transformation numérique peut révéler et cristalliser des problèmes et finalement ne pas pouvoir aboutir. A l’image d’un écosystème perturbé par l’intrusion d’un nouvel élément, l’introduction d’une nouvelle technologie ou d’un nouvel outil doit être accompagné pour se donner toutes les chances de réussite. L’accompagnement au changement est la garantie pour la réussite de sa transformation digitale.

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FAQ

En quoi la culture d’entreprise peut-elle freiner la transformation digitale ?
Par des comportements rigides, une hiérarchie trop verticale, ou un manque de confiance dans les outils numériques.

Quels sont les leviers culturels pour réussir une transformation digitale ?
La collaboration, l’expérimentation, le droit à l’erreur, le leadership participatif et la formation continue.

Quel est le rôle de la culture d’entreprise dans la transformation digitale ?
Influence sur l’adoption des technologies, adaptation aux changements, engagement des employés.

Comment aligner la culture d’entreprise avec la transformation digitale ?
Etablir un audit culturel.

Quels sont les leviers culturels pour réussir une transformation digitale ?
Système de valeurs partagé, leadership, communication interne, cohésion.

Comment impliquer les employés dans la transformation digitale ?
Système de valeurs partagé pour donner du sens, méthodes participatives, reconnaissance, développement des compétences.

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